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La Tribune de l'Orgue

La Tribune de l'Orgue
François Clément

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L'esprit de Wagner rôde dans ce CD, et l'expérience des transcriptions jouées à l'orgue en ressort plus concluante que jamais.
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«Mon orgue? C'est un orchestre!»: comment ne pas songer à cette exclamation de Franck, passionné et de Wagner et de Cavaillé-Coll, à l'écoute de cet enregistrement? La musique du maître de Bayreuth et l'orgue-orchestre sorti des ateliers de l'Avenue du Maine s'amalgament à merveille dans cinq transcriptions (signées Karg-Elert et Lemare) tirées de Parsifal, du Crépuscule des dieux, de Tristan et de Rienzi interprétées par Christoph Kuhlmann, de Cologne. Son accompagnement à l'orgue des cinq Wesendonck-Lieder fait oublier que celui-ci est en vérité destiné au piano, tant permet-il de suivre les moindres inflexions de la voix. Cette dernière, ardente et sensuelle sans paraître forcée, est celle de la soprano américaine Suzanne Thorp qui réussit à recréer l'atmosphère archkomantique de ces mélodies sans se laisser intimider par le souvenir des illustres cantatrices wagnériennes qui l'ont précédée. Un instrument s'imposait pour ce CD: le torse de l'orgue de salon que le richissime et excentrique Baron de l'Espée commanda à Charles Mutin en 1905 pour remplacer le quatre-claviers (transféré plus tard au Sacré-Cœur de Paris) de son château d'Ilbarritz. Wagnérien consommé, le baron exigea que son nouvel orgue imite l'orchestre symphonique encore mieux que son prédécesseur. L'instrument comptait, sur trois claviers, 36 jeux réels et presque le même nombre d'effets sonores spéciaux, en anticipation des orgues de
cinéma. Il fut vendu et dépecé en 1920, mais Fernand Prince, ancien harmoniste de Cavaillé-Coll, réassembla le buffet, deux claviers et 27 jeux à l'église San Salvador d'Usurbil (Pays Basque). Malgré cette transformation l'instrument dispose encore aujourd'hui de singularités propices à ce genre de répertoire: une gravité extraordinaire grâce à des claviers «à ravalement» qui commencent tous au contre-La, un Récit expressif fort d'une batterie de cinq Anchesr un Tuba mirabilis au Grand-Orgue, des octaves graves et aiguës, cinq combinaisons ajustables mécaniques, etc.
Christoph Kuhlmann manie avec une habileté remarquable ces ressources uniques et donne du souffle à ces pages dont quelques-unes demandent une virtuosité accomplie. On se croirait transporté dans le salon de Monsieur le Baron, voire directement à Bayreuth: le hall d'entrée de la villa Wahnfried ne possédait-il pas lui aussi un grand orgue, offert par des admirateurs d'outre-mer? L'esprit de Wagner rôde dans ce CD, et l'expérience des transcriptions jouées à l'orgue en ressort plus concluante que jamais.

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