L’Eglise-Collégiale Saint-Pierre fut terminée en 1750. Destinée à recevoir le Parlement de Flandre et un vaste Collège de Chanoines, elle frappe par ses dimensions de cathédrale. C’est la plus grande église du diocèse de Cambrai. Son architecture ne manque pas d’élégance et la richesse de son mobilier et de ses tableaux du XVIIIe siècle en fait un témoin privilégié de l’époque classique. En 1792 le Conseil de Fabrique de la Collégiale réussit à obtenir le grand-orgue de l’Abbaye d’Anchin, superbe instrument d’environ 60 jeux, 4 claviers manuels dont deux de 5 octaves (fa-fa) enchâssés dans un immense et élégant buffet en chêne, sculpté par Antoine Gilis de Valenciennes sur les plans et dessins des moines eux-mêmes. Cet orgue, plusieurs fois relevé par François-Joseph Carlier, facteur d’orgues à Douai jusqu’en 1850, était encore à peu près intact de ses jeux du XVIIIe siècle jusqu’en octobre 1918 où il fut malheureusement la victime du pillage systématique de la ville organisé par l’armée d’occupation avant son départ.
En 1920, sur l’initiative de Maurice Wagon, Président de Chambre à la Cour d’Appel, du Chanoine J.-B. Hégo, Doyen de Saint-Pierre et de Francis Godin, Maire de Douai, des pourparlers furent engagés avec la Maison Mutin-Cavaillé-Coll de Paris pour faire installer à l’intérieur du buffet ancien un grand-orgue de quatre claviers et 68 jeux qui avait été commandé vers 1910 pour la Grande Salle de Concert du Conservatoire Impérial de Saint-Pétersbourg, en Russie. L’orgue était terminé en 1914, mais la déclaration de guerre puis la révolution de 1917 firent renoncer à sa destination première et durant toutes les hostilités il resta monté dans le Hall de la Maison Cavaillé-Coll, (André Fleury qui avait 16 ans à l’époque se souvenait d’avoir entendu Charles Mutin le jouer lui-même). Transféré à Douai, il fut inauguré le dimanche 12 novembre 1922 par Louis Vierne qui, 20 ans plus tôt, avait déjà donné un récital à l’église Saint-Jacques pour l’inauguration de son buffet d’orgue. Cet instrument sous les doigts experts d’Alexandre Delval, titulaire de 1904 à 1951, devait se faire entendre très régulièrement pendant les offices et en concert – notamment les premiers récitals radiodiffusés – jusqu’à la guerre de 39-45 où il eut à subir indirectement les consé- quences des bombardements qui détruisirent la ville à près de 50%.
La municipalité prit en charge la restauration complète du grand-orgue, confiée à la Maison Pascal de Lille, de 1954 à 1957. Respectueux du caractère romantique de l’instrument, Pascal en profita même pour construire une mécanique neuve avec machine Barker au 4e clavier électrique à l’origine, afin d’unifier l’ensemble de la trans- mission. L’instrument restauré fut inauguré par Marcel Dupré, titulaire du Grand-Orgue de l’Eglise Saint-Sulpice à Paris avec le concours de la Manécanterie des Petits Chanteurs de Saint-Jean sous la direction de l’Abbé Félix.
L’orgue étant très empoussiéré et dégradé à la suite des grands travaux entrepris dans l’église en 1964-65, du remplacement des vitraux près de l’orgue en 1971, de l’incendie d’un magasin de sport situé près du chevet en 1975, et par le vandalisme de trois jeunes voyous en 1977, la municipalité a décidé un grand relevage de l’instrument en 1983 par tranches annuelles avec les précieux conseils de l’Association Aristide Cavaillé-Coll de Paris, travaux confiés de nouveau à Jean Pascal. En 1986 s’achevait la réfection des 2e et 3e claviers à la plus grande satisfaction du titulaire et des élèves du Conservatoire pour qui cet orgue prestigieux reste un instrument de travail privilégié. Grâce à un important dossier monté en 1998-1999, l’instrument fut classé en mars 2002. Sur demande de notre maire Jacques Vernier, Roland Galtier, Technicien-Conseil pour les orgues historiques, a dressé un inventaire technique complet de l’instrument.
Depuis sa première restauration cet orgue n’a cessé de rayonner sur le plan culturel : des musiciens, facteurs d’orgues et musicologues de nombreux pays étrangers viennent chaque année le visiter et louent sa sonorité à la fois majestueuse et racée ainsi que sa souplesse d’expression dans ce vaste vaisseau où il s’épanouit librement.