Nous connaissions déjà deux instruments de Cavaillé-Coll édifiés en cette terre (Ste Marie de San Sebastian, et Azkoitia), quasiment intacts depuis leur construction, spécimens uniques sortis du célèbre atelier parisien. Jamais deux sans trois, puisque aujourd’hui, ressurgit celui de la basilique de Loyola, à côté de Azpetia. Construit en 1889, période des grands crus, cet orgue conserve une authenticité déconcertante, de pureté de timbres, d’homogénéité d’ensemble, que l’on ne retrouve plus que sur quelques exemplaires bien répertoriés et connus en France. Ici déjà, les sonorités se déploient dans un édifice vaste, à grande coupole, dans une longue réverbération de plusieurs secondes. Cette situation convient à l’esthétique romantico-symphonique de l’instrument, que la prise de son multi canal, respecte complètement. C’est tout simplement l’ambiance d’une cathédrale. L’importance de l’orgue est aussi capitale : 37 jeux répartis sur trois claviers dont deux sont expressifs, le tout assis sur une riche pédale, de quoi satisfaire un répertoire abondant en ce tournant de siècle : Widor, Vierne, Otaño en particulier, et César Franck sans doute aussi, qui doit y sonner dans toute son authenticité.
Heureuse idée en tout cas d’associer à cet orgue un musicien qui lui fût intimement lié, puisqu’il présida à sa construction : le Père Nemesio Otaño. Homme d’un charisme fou, non seulement compositeur et organiste, mais aussi conseiller en facture d’orgue, en musique liturgique, Père Jésuite, il s’impose comme une figure marquante de l’orgue espagnol dans la première moitié du XXe siècle. Son œuvre d’orgue excite d’autant plus notre curiosité, car à l’écoute, on est frappé de son originalité, de sa forte personnalité. Otaño est inspiré sans nul doute par les grands maîtres allemands Wagner, Bruckner, Mahler, ou encore Richard Strauss. Musique de grandes masses sonores, mais pleines d’élégance et d’innovation. Une musique aussi écrite autour de ces instruments de Cavaillé-Coll, afin d’exploiter toutes leurs possibilités, tout ce qu’ils renferment en subtilités et en couleurs orchestrales. Souvent dédiés à des amis ou des musiciens de son temps, cette musique est belle et semble jaillir du cœur pour nous toucher directement. Ces beaux instruments sont encore intacts de nos jours, grâce à Nemesio Otaño, et largement préservée dans cette partie de l’Espagne. L’histoire de ce pays doit le savoir et s’en souvenir.