CLASSICA
Aurore Léger
CLASSICA-july-2019-4962
Une grande leçon de musique!
Défendre au disque la musique du grand maître du Siglo de Oro est une gageure. Pour rester vivant, cet exercice suppose en effet de réunir, dans une symbiose rare, l'instrument, l'érudition et la sensibilité musicale qui permettront de révéler les sévères et énigmatiques esquisses de l'organiste de Philippe II. Cette symbiose, nous la tenons sous les doigts de Léon Berben, aux claviers du très émouvant orgue gothique (1425) de l'église de Sôst-Ostônnen, en Westphalie. La prise de son rapprochée permet d'apprécier la finesse des attaques (La Pavana Italiana) et la subtilité de l'articulation veloutée (El Canto Ilano del Caballero) de l'interprète, qui parvient à imprimer, parfois à l'aide d'un simple principal, une conduite souple, tour à tour chantante et dansante, aux tientos et autre canciones.
Derrière cette musicalité et cette apparente spontanéité se cache une connaissance intime des codes et des techniques d'interprétation de la musique ibérique ancienne, qui pourrait rester sinon « sèche comme des os ». La maîtrise de l'ornementation, mais aussi de l'art de la diminution, des variations rythmiques et des enrichissements intervalliques, apporte ici une saveur et une éloquence dramatique uniques. Elle culmine, à deux voix, dans le premier verset sur 'Avel Maris Stella, où le cantus firmus se pare d'une mélodie
aux accents andalous que l'on croirait jouée au cornet à bouquin. Une grande leçon de musique!