Diapason
Paul de Louit
Diapason-no-567-2115
Tharp, littéralement, y entre, et dans le clavier, et dans la matière sonore des Méditations : grande réussite de ce disque, partagée entre l'interprète et l'instrument. Emouvant bonus, en outre, que l'enregistrement public du Poème par son auteur, tiré des archives de l'Ina.

L'œuvre de Jeanne Demessieux se comprend dans le sillage de sa personnalité de virtuose consciente d'elle-même.

Les Etudes op. 5 (1944) sont réputées, avec les Esquisses de son maître Marcel Dupré, constituer le bréviaire des difficultés les plus transcendantes de l'instrument. Derrière le spectaculaire de ses acrobaties, ce recueil a sans doute caché les richesses des Méditations sur le Saint-Esprit ou, plus modestes d'apparence, des tardifs Répons pour les temps liturgiques.

Sans nier à Demessieux une certaine recherche de modernité du langage, moins personnelle que chez sa consœur Rolande Falcinelli mais néanmoins empreinte de belles couleurs « messiaeniques », la pensée musicale part chez elle du geste instrumental. Aussi, pour la jouer, faut-il un technicien. On ne reprochera certes pas à Stephen Tharp de ne pas l'être. Les difficultés des Etudes sont surmontées avec aisance, le Te Deum rutile. Peut-être seulement une certaine ostentation de cette aisance le conduit-il à gommer quelque peu les piliers, à estomper les contours, à jouer en surface. Dans Pointes et Tierces on n'a pas la même impression de précision aiguë que dans la version de Maurizio Ciampi, qui pourtant doit rendre des points à Tharp pour la couleur instrumentale et parfois pour la pure technique.

L'orgue de Rouen oblige à davantage d'énergie que celui de Dudelange. Tharp, littéralement, y entre, et dans le clavier, et dans la matière sonore des Méditations : grande réussite de ce disque, partagée entre l'interprète et l'instrument. Le coffret évoque élégamment les peintures de Maurice Denis pour l'église du Saint-Esprit, dont Jeanne Demessieux fut l'organiste, fort à propos pour nous faire excuser la candeur figurative par la sincérité de la démarche spirituelle. Emouvant bonus, en outre, que l'enregistrement public du Poème par son auteur, tiré des archives de l'Ina. Paul de Louit