Diapason
Paul de Louit
Diapason-2392
Livia Mazzanti ne se laisse pas déborder par le risque de caricature [...] et présente l'alliance rare entre un tempérament de feu, une technique virtuose et une tête bien faite.

Pour un peu, on en voudrait à Aeolus d'avoir gardé cinq ans dans ses tiroirs cette belle découverte. Peu abondante, surtout pour un compositeur si prolifique, l'œuvre d'orgue de Castelnuovo-Tedesco est entièrement posthume. C'est dire que, de son vivant même, elle tendait à s'effacer derrière l'énormité de la production orchestrale. Néanmoins, ce qui nous est ici révélé est assez singulier pour figurer comme un corpus important du répertoire de l'orgue du xxe siècle.

Œuvre en apparence éclectique, où cohabitent modernisme et néoclassicisme, l'écriture sérielle avec les thèmes alphabétiques, la modalité traditionnelle des chants liturgiques juifs avec la confidence intime de l'artiste. Certaines pièces parmi les plus abouties (Introduction, aria et fugue, les cinq numéros du Service sacré pour une veille de sabbat, le choral et la fugue sur le nom d'Albert Schweitzer) en arrivent à un langage musical en forme d'oxymore qui n'est pas sans rappeler, en France, l'œuvre trop méconnue de Jean-Jacques Grunenwald - qui, lui aussi, composa beaucoup pour le cinéma.

Un autre grand plaisir de ce récital est de nous faire retrouver Livia Mazzanti, qui s'était distinguée par un disque éblouissant consacré aux œuvres d'orgue de Nino Rota (RCA), mais compte aussi parmi les rares interprètes d'élection des redoutables Variations sur un récitatif de Schönberg (Fonè). Elle s'impose dès les premiers accords de la fanfare qui ouvre l'Introduction, aria et fugue, auxquels elle imprime d'emblée le caractère de toccata voulu par le compositeur. Malheureusement s'imposent aussi, en un cortège un peu agaçant, tous les tics de registration et d'articulation qui signalent comme une étiquette de traçabilité l'AOC « élève de Jean Guillou ». Néanmoins, Livia Mazzanti ne se laisse pas déborder par le risque de caricature (même si certains staccatos s'en approchent dangereusement) et, comme son maître dans ses meilleurs moments, présente l'alliance rare entre un tempérament de feu, une technique virtuose et une tête bien faite. Paul de Louit