"La production pour orgue de Cabanilles est riche en nombre et en qualité, diversifiée, apte à mettre en valeur les plus beaux instruments espagnols, et malgré cela bien rare au disque : peu de nouveautés concluantes sont apparues depuis l'enregistrement superbe de Willem Jansen (Hortus, Diapason d'or). Autant dire que par le choix même de son programme, Léon Berben affirme la justesse de ses intuitions et la singularité de son talent, notamment dans sa capacité à assumer le format de cette musique (la plupart des tientos sont longs et exigeants) en maintenant une qualité de jeu et de concentration sans faille.
Déjà saluée à l'occasion d'un disque Byrd (Diapason d'or, cf. n° 552), sa maîtrise technique est évidente : diminutions fluides, tierces parallèles de main droite articulées, toucher contrôlé au point que les chamades parlent sans aucune bavure. L'instrument contribue également à la réussite du projet ; depuis le profond flautado (un principal ample et très polyphonique) jusqu'au llenos et autres mélanges de mutations dont Berben sait parfaitement doser les
composantes, toutes les saveurs de l'orgue espagnol sont déclinées dans les limites (jamais perceptibles !) d'un clavier unique à octave courte. Berben met à jour les sources multiples du style de Cabanilles, à la fois familier (dans son ordonnancement polyphonique) et déroutant (pas seulement par les registrations rauques des quiebros), instrumental (par sa virtuosité) autant que vocal (par son introduction d'ornements empruntés au stile nuovo en provenance de l'Italie). Ces éléments sont fondus dans un ensemble d'une grande cohérence, et c'est par sa capacité à unir la polyphonie, mère de toutes les musiques d'Amsterdam jusqu'à Naples, et ses inflexions locales que Berben renoue certainement avec l'esprit qui anima Froberger et les autres claviéristes voyageurs du xvne siècle. Aussi curieux et respectueux que ces aînés de la différence apprise grâce à la rencontre musicale, Léon Berben marche pour notre plus grand bonheur à leur suite."
Xavier Bisaro (Diapason n° 564, décembre 2008)
TECHNIQUE: 8,5/10 TECHNIQUE SACD : 9/10
Instrument large, avec du relief, très intégré dans l'acoustique du lieu. Très beaux timbres et grande dynamique.