La Symphonie n° 3 pour orgue et orchestre de Saint-Saëns est dans doute l’œuvre la plus jouée pour cette formation. Pourtant l’orgue n’y occupe qu’une place relative, ce que le compositeur et organiste Guy Bovet rééquilibre ici avantageusement. Ce nouvel éclairage est passionnant.
Par cette œuvre grandiloquente, Camille Saint-Saëns souhaitait rendre hommage à Franz Liszt, incluant à l’orchestre symphonique un grand orgue, instrument que le compositeur hongrois pratiqua beaucoup dans la deuxième moitié de sa vie. Comme dans la plupart des symphonies, cette œuvre comporte quatre mouvements, où curieusement l’orgue n’intervient que dans le deuxième et le quatrième. L’intérêt majeur de cet album est de proposer une version alternative qui fait intervenir l’instrument à tuyaux d’un bout à l’autre de l’œuvre à la manière d’un concerto.
Guy Bovet, compositeur et organiste, s’en explique longuement dans le texte du livret. Après l’analyse de la symphonie telle que Saint-Saëns l’a écrite, le transcripteur en vient à exposer son travail. Il propose de réduire la formation orchestrale pour un meilleur équilibre en redistribuant les parties jouées par les deux blocs sonores. Cela ne va pas sans soulever divers problèmes, notamment d’exécution à l’orgue qui ne peut pas toujours se substituer aux cordes ou aux bois pour de simples raisons techniques liées au clavier, mais qui sont ici résolues par de judicieuses adaptations. Guy Bovet préserve le deuxième mouvement tel que l’auteur l’avait conçu puisque l’orgue y trouve magnifiquement sa place. Pour le célèbre final, il opère quelques aménagements dont les fameuses parties de piano arpégées à souhait et qui rappellent parfois certaines roulades du Carnaval des animaux, œuvre qu’il composa d’ailleurs à la même époque. Enfin, il fait remarquer que la structure même de la symphonie ne permet pas d’en faire un concerto pour orgue à proprement parler et que dans cette idée, Saint-Saëns l’aurait abordé de toute autre manière. L’orgue reste ici en maillage constant avec l’orchestre ce qui l’écarte de toute posture de véritable soliste. Guy Bovet introduit cependant une courte cadence dans le final.
L’écoute de l’œuvre ainsi revisitée est passionnante. Le son de l’orgue est bien d’essence symphonique, en harmonie avec l’orchestre, réduit par rapport à l’original. La symphonie y gagne en aération par rapport à la partition d’origine qui est beaucoup plus chargée orchestralement avec de nombreuses doublures de pupitres. L’orgue construit en 1951 par Kuhn et restauré en 2017 offre une pâte sonore idéale. L’organiste Ulrich Meldau dose parfaitement l’équilibre par un jeu fondu au travers de registrations qui ne sombrent jamais dans la lourdeur. L’orchestre allégé, conduit fermement par le chef Karel Valter sur des tempi raisonnables permet une lecture fiable et agréable. La prise de son proposée en support SACD veille elle aussi à l’équilibre général.
En complément de programme, on découvre cette fois-ci arrangées et accompagnées par l’organiste Ulrich Meldau deux œuvres attachantes : Une Romance pour flûte et une Tarentelle pour flûte et clarinette, avec Anne Freitag et Francesco Negrini. Dans cette dernière, le jeu des deux solistes en dialogue se marie harmonieusement au point de les confondre dans certains passages. Cette production honore la musique de Saint-Saëns et aidera l’auditeur, par cette nouvelle approche, à mieux entrer dans l’univers colossal de cette symphonie.